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Le nouveau visage du paysan chinois

Year:1988 Issue:1

Column: DOSSIER DU MOIS

Author: Chen Changzhi

Release Date:1988-01-20

Page: 35-37

Full Text:  

Jamais auparavant, les paysans chinois n'ont eu autant de chances de créer et de se développer que maintenant. Et toujours plus nombreux sont ceux qui trouvent les moyens de donner toute la mesure de leur compétence et de leur esprit créateur dans les divers secteurs économiques.

LA Chine est un pays de paysans, disent certains. C'est exact, puisque 80% des Chinois vivent à la campagne, et depuis toujours, leur vie est liée à la terre. Ils labourent les champs et cultivent des plantes — à la main ou à l'aide d'animaux de trait — pour produire de quoi se nourrir et se vêtir, et ils n'ont pas d'autres ambitions. C'est là, dit-on, le paysan chinois traditionnel.

Mais la chose commence à changer! Toujours plus nombreux sont les paysans chinois aujourd'hui qui n'ont plus ce visage traditionnel. Dans tous les métiers — commerce, bâtiment, restauration, industrie, etc. —, travaillent partout des paysans. Et par «industriels-paysans», un terme très en vogue actuellement en Chine, il faut même entendre ces paysans qui assument les fonctions de directeur d'entreprises rurales, qui réalisent un revenu brut de dizaines de millions de yuan par an.

Les statistiques nous apprennent qu'en Chine un paysan sur cinq ne cultive plus la terre. Serait-il nécessaire de donner une nouvelle définition du mot «paysan»? Laissons les spécialistes en discuter! Mais au moins une chose est certaine, c'est que cette évolution s'est produite grâce à la réforme de l'économie rurale, qui a démarré il y a neuf ans. Réforme qui a donné aux paysans une multitude de chances de faire valoir leur compétence et leur esprit créateur dans les divers secteurs économiques. Les exemples en ce domaine sont nombreux.

Ding Yangzheng, 37 ans, est un paysan du district de Suixi, dans la province de l'Anhui. Il y a cinq ans, il a vendu deux moutons pour 72 yuan. Avec cette somme d'argent, lui et une vingtaine de paysans se sont lancés dans le bâtiment. Rien que pendant l'année 1986, ils ont réalisé un bénéfice net de 1,15 million de yuan!

Lü Zhimin, 38 ans, vit dans le village de Hongzui, province du Jilin. Celui-ci était, avant 1978, renommé pour le nombre important de ses familles pauvres et de ses jeunes célibataires. Ces dernières années, Lü et ses voisins du village ont réalisé un chiffre d'affaires étonnant, les impôts qu'ils ont versés à l'Etat en 1986 atteignant à eux seuls 4,4 millions de yuan.

Citons maintenant le cas de Ye Wengui, paysan du district de Changnan, dans la province du Zhejiang. Encouragé par le boom économique de la ville de Wenzhou, tout près de chez lui, il a fondé depuis 1983 des usines de membranes plastiques, d'appareils de mesure, de matériel d'emballage,...

Bref, d'énormes changements se sont produits chez les paysans, qui constituaient la couche sociale à l'idéologie la plus traditionnelle et au mode de vie et de production le plus retardataire en Chine. Ce qui est le plus frappant, c'est qu'ils créent aujourd'hui une richesse plusieurs fois, des dizaines voire des centaines de fois plus importante que leur revenu d'autrefois. C'est là, vraisemblablement, qu'a agi la magie de la réforme.

Réforme et chances

Jadis «pépinière» de mendiants, le district de Qinghe, dans la province du Hebei, est aujourd'hui un centre de production de velours de laine de mouton et de pièces accessoires pour motocyclettes et camions. En six ans, soit de 1980 à 1986, la valeur de sa production industrielle s'est multipliée par quatre, et les revenus des paysans, par cinq.

On pourrait se demander pourquoi ce changement a pris tant de temps à se produire. Il y a longtemps que nous pensions faire quelque chose, dit Xue Junzheng, un «industriel-paysan» de ce district. En 1975 par exemple, nous avions mis en place une petite industrie sans bruit ni propagande. Mais les dirigeants d'en haut ont fini par apprendre la nouvelle, et ils ont organisé pour nous un stage d'étude sur le thème: «Il faut extirper le capitalisme». Pareille chose n'existe plus maintenant. Au contraire, la nouvelle politique nous encourage à créer tout ce que nous voulons. C'est ce qui explique nos succès.

Les exemples de ce genre sont trop nombreux pour qu'on les cite tous.

Laisser faire les paysans est en fait une nécessité des plus faciles à comprendre. Mais il a fallu des dizaines d'années au cours desquelles on a parcouru un chemin extrêmement tortueux pour qu'on en prenne enfin conscience.

Au lendemain de la fondation de la Chine nouvelle en 1949, les paysans disposaient en effet d'une vaste autonomie dans leurs activités de production, qu'ils cultivent des champs, travaillent dans des entreprises industrielles urbaines ou fassent du commerce. Leur participation à des travaux de développement économique a contribué au redressement de l'économie nationale.

Hélas, on a pris plus tard une série de décisions d'ordre politique et économique «de gauche» qui limitaient en fait la liberté des paysans dans leurs déplacements et leur choix de métiers. Les choses ont empiré au cours de la «révolution culturelle», à tel point que non seulement on a privé lés paysans de tout droit de se livrer à des activités industrielles et commerciales, mais qu'aussi on leur a interdit d'élever poulets ou porcs, disant que c'était «la queue du capitalisme» qu'il fallait couper! Même dans la production agricole, toute décision venait d'en haut. Ce qui était plus ridicule, c'est que les paysans devaient demander congé, s'ils voulaient rendre visite à des parents.

Le socialisme, c'est la cause des masses populaires. Des dizaines d'années après son instauration, on en était arrivé à voir les paysans sans enthousiasme. Cet état de choses a poussé à réfléchir.

En septembre 1979, le Parti communiste chinois a formulé, après réflexions et discussions, une nouvelle politique en matière d'économie rurale, confirmant de nouveau que «les occupations diversifiées, les lopins de terre et les bêtes réservés à l'exploitation individuelle des paysans, les activités d'appoint à domicile et le commerce sur les foires» sont autant d'éléments de l'économie socialiste. Il a par ailleurs souligné la nécessité de «développer considérablement les entreprises industrielles gérées par les communes populaires et les brigades de production». C'est ainsi, en commençant par laisser faire les paysans qu'a démarré la réforme, et qu'on a assisté à une transformation des régions rurales.

Les dirigeants chinois n'ont pas voulu que les choses s'arrêtent là. En 1981, ils ont appelé l'ensemble de la société à encourager et à aider les paysans à gérer, soit individuellement soit en s'associant à d'autres, des entreprises de services, d'artisanat, d'élevage et de transports.

Dans ce contexte, a vu le jour le système de responsabilité forfaitaire au niveau des familles — une grande création des paysans chinois. Ce système, contesté an début, a finalement été reconnu par les dirigeants du Parti communiste chinois.

Avec la progression de la réforme, les paysans ont obtenu de plus en plus de droits dont ils auraient dû jouir plus tôt, à quoi s'ajoutant leur dur labeur et les chances qui leur avaient été apportées par la réforme, ils sont devenus de vrais «managers» de l'économie rurale.

Savoir saisir l'occasion, c'est déjà la moitié du succès

«Dans le passé, les tâches de production étaient confiées à quelques chefs d'équipe de production, et ceux-ci devaient se démener pour les accomplir, tandis que les paysans demeuraient dans une passivité quasi-totale. Maintenant que la production se fait au niveau des familles, chacune d'elles compte un «chef d'équipe», et tous ses membres travaillent activement», a déclaré non sans émotion Chen Kun, secrétaire de la cellule du Parti du village de Wentang, dans la province du Guangdong. «Ce changement a permis, a-t-il ajouté, au village d'augmenter de six et onze fois le revenu moyen par personne et les recettes globales de la collectivité.»

La Chine compte maintemant 200 millions de familles paysannes, et il y a donc au moins 100 millions de «chefs d'équipe» dans l'ensemble du pays, qui s'occupent de la production et de la gestion. D'ailleurs, ils ne le sont pas seulement sur le papier, mais ce sont des chefs possédant une large autonomie et le droit de prise de décision. C'est sur cette base qu'une démocratisation socialiste commence à se faire dans la vie économique des régions rurales.

En fait, pour les paysans, la démocratie est chose réelle. Pourvu qu'ils n'épargnent pas leurs efforts et qu'ils fassent preuve d'une certaine audace, en respectant, bien entendu, la loi, ils ont beaucoup d'occasions de réussir. Vous pouvez travailler comme ouvrier, faire du commerce dans d'autres régions, ouvrir une boutique, fonder un atelier ou même créer une assez grande compagnie... En somme, ils ont les coudées franches.

Cependant, les chances s'offrent à tout le monde, et il faut savoir les saisir. Or, pas tout le monde qui en est capable. Ceux qui les saisissent les premiers et savent en profiter pleinement vont réussir. Tel est le sens de la démocratisation de la vie économique.

En laissant faire les paysans, on a obtenu des résultats inattendus. Au cours des plus de huit ans de réforme, l'Etat n'a pas accru ses investissements dans le secteur agricole, mais comme les paysans ont eu davantage de liberté et de chances dans leur choix de métiers et dans leur création, la valeur globale de la production agricole dans l'ensemble de la Chine a augmenté de 6,6% par an contre 2,6% pendant les vingt-six années antérieures et contre la moyenne de 2,8% dans l'ensemble du monde; la valeur de la production non agricole — industries rurales, bâtiment, transports et commerce — s'est multipliée par quatre; le montant des achats de produits agricoles et autres a doublé, de même que la productivité du travail. Et la part du produit brut des régions rurales dans le PNB du pays a augmenté de 10%.

Une maison de confection de pulls de laine, gérée par le village de Zhoucun, dans le district de Pinggu, banlieue de Beijing, vend bien ses produits au Japon. Photo Xue Chao

Une maison de confection de pulls de laine, gérée par le village de Zhoucun, dans le district de Pinggu, banlieue de Beijing, vend bien ses produits au Japon. Photo Xue Chao

Ces paysannes sont déjà spécialisées dans la production d objets d'art artisanaux. Photo Xue Chao

Ces paysannes sont déjà spécialisées dans la production d objets d'art artisanaux. Photo Xue Chao

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